LE JOURNAL DES MILITANTS CALADOIS

La guerre silencieuse

Le travail tue et mutile gravement en France plus de 11 000 personnes chaque année. En 2020, ce sont précisément 11 304 vies brisées : 804 morts et 10 500 personnes lourdement handicapées à vie. Cela représente 45 travailleurs ou travailleuses par jour ouvré, fauchés par la mort ou un handicap irréversible.

Je n’ai retenu dans ces chiffres que les cas les plus graves : les personnes dont l’incapacité permanente est supérieure à 50 %. J’ai volontairement exclu les bras ou jambes cassés, les arrêts de plus de 30 jours, les douleurs chroniques invisibles. Je parle ici de celles et ceux qui ne marcheront plus, ne verront plus, ne travailleront plus jamais comme avant.

Qui en parle ?

Chaque jour, 45 personnes. Est-ce que les journaux télévisés ouvrent avec : « Aujourd’hui, 5 morts au travail » ? Le miracle de mardi — zéro mort — ne s’est pas reproduit. Faites attention à vous. Car le travail détruit bien plus que le COVID.

Si, chaque jour, les médias rappelaient le nombre de morts et de mutilés, peut-être que les consciences s’éveilleraient. Mais non. À part les accidents de trajet, qui peuvent toucher tout le monde — du PDG au manœuvre — les accidents du travail frappent surtout les petits, les invisibles, les précaires. Les ouvriers du bâtiment. Les femmes de ménage. Les caristes. Les gens derrière les machines-outils qui peuvent broyer un bras en une seconde.

Et la froideur des chiffres ne dit rien de la détresse des orphelins, des familles ruinées, des corps brisés. Pendant ce temps, les Boloré, les Arnault et les autres milliardaires naviguent sur des yachts, sur une mer de sang. Quand Bernard Arnault ose dire que « les Français n’aiment pas ceux qui réussissent », est-ce que sa famille a connu l’accident du travail ? Le licenciement ? La précarité ?

Faut-il des monuments pour que l’on comprenne ?

La guerre a ses monuments. Pourquoi le travail n’en aurait-il pas ? Pourquoi ne grave-t-on pas dans la pierre les noms de celles et ceux que le travail a tués, mutilés, rendus fous ?

45 personnes par jour ouvré. Ce n’est pas anodin.

Le plus grave, c’est que ces chiffres sont publics. Il suffit de les chercher. Mais personne n’en parle. Parce que les dirigeants, les politiques, les patrons du CAC 40 s’en fichent. Cela ne les touche pas. Un mort, c’est tant. Deux jambes écrasées, c’est tant. Un œil crevé ? Ce n’est pas grand-chose, on peut encore travailler. Le capitalisme broie les corps et les consciences.

Et quand je vois le spectacle pitoyable de certains hommes politiques qui se disent de gauche, qui prétendent défendre une vision sociale de l’économie, je suis attristé. Ils rencontrent Macron, discutent avec celui qui a fait tirer sur son peuple pendant la révolte des Gilets jaunes. Celui qui veut détruire la Sécu, l’hôpital, l’école. Qui porte aujourd’hui la parole des faibles, des petits, des exclus ? J’ose espérer que Mélenchon et son mouvement n’ont pas oublié leur devoir de protection du peuple face au rouleau compresseur du Capital.

Macron a dit pendant le COVID : « Nous sommes en guerre. »

Mais cette guerre ne se mène pas seulement avec des drones ou des armes. Le travailleur en porte les stigmates. La guerre que le Capital livre au monde du travail est sourde, invisible, quotidienne. Et si certains cadres pensent ne pas être concernés, ils se trompent. Car la lutte des classes n’oppose pas seulement ouvriers et patrons. Elle oppose tous ceux qui se font spolier leur force de travail — du manœuvre au cadre supérieur — par l’État ou le Capital.

La spoliation de la force collective est le plus grand crime contre l’humanité.

Le Capital est en guerre contre la force de travail. Il cherche, par tous les moyens, à augmenter son profit. Et les accidents du travail ne sont que les conséquences visibles de cette guerre.

Camarade, nous sommes en guerre. Et nous devons entrer en résistance.

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