LE JOURNAL DES MILITANTS CALADOIS

La droite locale se met au diapason du carbofascisme mondial

Décidément, il y a quelque chose de pourri au royaume du Beaujolais. Pas dans les vignes — encore que — mais dans les esprits de certains élus qui, à force de respirer les vapeurs du bitume et de la croissance infinie, semblent avoir définitivement renoncé à tout contact avec la réalité climatique.

À commencer par la mairie de Saint-Georges-de-Reneins, qui, en fin mars dernier, a eu une idée lumineuse : inviter Benoît Rittaud, président de l’association des « climato-réalistes », pour une petite conférence. L’idée ? « Apporter un autre regard ». En réalité, offrir un tapis rouge à un marchand de doute qui se bat depuis des années pour faire croire que 97 % des climatologues sont des hystériques et que le GIEC est un groupuscule d’éco-terroristes en sarouel.
Rittaud, c’est le Zemmour du thermomètre. Un monsieur propre sur lui, qui parle de « verrouillage idéologique » pour désigner le consensus scientifique, et qui présente le réchauffement climatique comme un phénomène naturel. Son but ? Dépolitiser la question climatique, l’arracher aux sciences et la jeter dans l’arène des opinions, où l’on peut mettre le réchauffement au même rang que les aliens ou les vaccins qui donnent la 5G. Bref, du climato-scepticisme en costard, mais toujours au service du business as usual.

Les « danseurs aux pieds nus » n’ont qu’à bien se tenir

Mais l’ambiance ne s’arrête pas à une conférence douteuse. Récemment, Christophe Guilloteau, président du département du Rhône, a sorti la sulfateuse verbale pour arroser les associations environnementales. Sa tirade ? « J’en ai assez de ces associations de danseurs aux pieds nus. » On appréciera la poésie.
Et comme souvent dans ces cas-là, les mots sont suivis des actes : suppression sèche des subventions pour plusieurs structures locales essentielles à la protection de l’environnement — Anthropologia, France Nature Environnement, la LPO. Leur crime ? S’être opposées au projet du port fluvial du Bordelan, ce monument d’aménagement destructeur aussi absurde qu’un SUV sur une piste cyclable.
On appelle ça de la répression. Pas des débats d’idées. On coupe les vivres aux contre-pouvoirs, on intimide ceux qui protègent le vivant, et on habille tout ça de sarcasmes sur les « mangeurs de graines ». C’est plus qu’un désaccord : c’est une croisade.

Quand les fumées du pouvoir remplacent la vapeur des luttes

Ce virage brutal, on ne le retrouve pas qu’à l’échelle locale. Il s’inscrit dans un changement de paradigme global. Ces dernières années, la question climatique avait gagné un peu de terrain dans le débat public. C’était sans compter sur le grand retour de l’extrême droite et de ses avatars fossiles : Trump redevient président, les néo-fascismes montent en flèche, et les politiques climatiques prennent une gifle magistrale.
On voit bien le lien : les régimes autoritaires et conservateurs n’aiment pas les écolos. Pourquoi ? Parce que la lutte contre le changement climatique implique une remise en cause de leurs privilèges. Brûler du pétrole, c’est affirmer sa suprématie. Continuer à émettre du CO2, c’est marquer son territoire, défendre sa « liberté » d’homme blanc occidental face aux « sacrifices imposés ». Une écologie de classe, coloniale et raciste : voilà ce qu’ils veulent à tout prix.
Et c’est dans cette logique que Guilloteau dégaine ses « danseurs aux pieds nus ». Une expression qui aurait pu être « homme soja », « cheveux bleus », « végan wokiste »… Tout ce qui, dans leur imaginaire rance, représente l’affaiblissement de la civilisation blanche, virile et motorisée. Ce qu’ils redoutent, ce n’est pas le changement climatique. Ce qu’ils redoutent, c’est de perdre leur place dans la hiérarchie mondiale.

Carbofascisme, mode d’emploi

Alors on dégaine la machine à broyer : on retarde les lois, on vide les dispositifs existants, on sabote les solutions alternatives, et surtout, on ridiculise les militants. Ce que Guilloteau fait au niveau local, d’autres le font à l’échelle mondiale. C’est une stratégie politique claire : démoniser l’écologie pour pouvoir continuer à piller, bétonner, polluer — en toute tranquillité.
Ce n’est pas un bug du système, c’est sa fonctionnalité centrale : défendre la domination, même au prix de la planète. Dans cette logique, celles et ceux qui défendent les forêts, les cours d’eau, les sols, deviennent des ennemis. On les appelle « extrémistes », « radicaux », « marginaux », alors qu’en réalité ce sont les seuls lucides dans une pièce remplie de pyromanes.

Honneur à celles et ceux qui dansent encore

Face à cette offensive contre le vivant, il est plus que jamais essentiel de remettre la lutte écologique au cœur du débat politique. Il ne s’agit pas de sauver une espèce d’oiseau ou deux, mais de préserver la possibilité même de vivre dignement sur cette planète.
Alors merci aux associations locales, à celles et ceux qui, dans le Beaujolais, continuent à se battre contre vents, marées et conseils départementaux. Merci à celles et ceux qui dansent encore pieds nus sur les ruines du vieux monde, non pas parce qu’ils fuient la réalité, mais parce qu’ils la regardent en face.
Et rappelons-le : ce n’est pas nous qui sommes en retard, c’est eux qui foncent droit dans le mur en klaxonnant.

2 réflexions sur “La droite locale se met au diapason du carbofascisme mondial”

  1. Bravo pour cet article qui décrit parfaitement la situation..! Je me permets juste une petite remarque : à la lecture j’ai eu un peu de mal à voir à qui s’appliquait la phrase « Une écologie de classe, coloniale et raciste : voilà ce qu’ils veulent éviter à tout prix. »….je comprends que tu veux dire que ce s’opposent à ce type d’écologie, du coup ça gagnerait à être précisé en remplaçant le « ils » …sinon c’est super fluide et clair . Merci !

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