LE JOURNAL DES MILITANTS CALADOIS

Travailler ne devrait jamais coûter la vie

Deux morts à Villefranche. Deux de trop.

Il y a des faits divers qui devraient arrêter le cœur d’une ville.
Le 26 mai, un motard perd la vie sur l’avenue de l’Europe. Il était agent municipal et se rendait sur son lieu de travail, à 5h30…
Le 19 mai, un ouvrier chute d’un échafaudage au marché couvert. Il décédera quelques jours plus tard.

Deux morts. Deux drames.
Et derrière eux, des familles fracassées, des collègues choqués, des vies interrompues sur leur lieu de travail ou sur le chemin.

J’adresse à leurs proches tout mon respect et ma solidarité. Et si je prends la plume aujourd’hui, ce n’est ni pour pointer du doigt, ni pour jouer aux procureurs. C’est parce que ces morts, aussi terribles soient-elles, sont tout sauf des exceptions.

Trois morts par jour. Et un silence collectif assourdissant.

On meurt encore au travail en France. Tous les jours.
En 2023, ce sont 1 287 personnes qui ont perdu la vie à cause de leur travail.
759 décès liés à des accidents
332 morts sur le trajet domicile-travail
196 morts par maladie professionnelle reconnue

Et attention, ces chiffres sont en deçà de la réalité : ils n’incluent pas les fonctionnaires, les indépendants, les agriculteurs, les intérimaires non déclarés, les livreurs ubérisés, les sous-traitants invisibles.

Ça fait 3 morts par jour ouvré, dans un pays où l’on prétend que le travail est une valeur.

Et encore : ces morts-là, on les compte.
Les autres, on les cache :

  • Les arrêts cardiaques en fin de poste
  • Les dépressions, les burn-out, les suicides
  • Les maladies professionnels jamais reconnus
  • Les troubles musculosquelettiques qui pourrissent la vie

Moins de prévention, plus de risques

Comment en est-on arrivé là ? Pas par hasard. Pas par malchance.

Mais par choix politiques. Par une fausse modernisation du droit du travail, dictée par le MEDEF et signée sans trembler.

En 2017, on supprime les CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Trop contraignants pour les employeurs. Trop efficaces peut-être.
On les remplace par les CSE (Comités sociaux et économiques), plus vastes, plus vagues, moins outillés, moins formés, moins présents.

En 2019, la loi PACTE neutralise les effets de seuil. Résultat : des centaines de PME échappent à l’obligation d’avoir des représentants du personnel, donc aucun regard sur la prévention.

Et pour couronner le tout, on crée des “commissions sécurité” sur mesure, souvent pilotées par des directions RH qui traquent le coût, pas les risques.

Des risques nouveaux, une prévention en panne

Pendant ce temps-là, de nouveaux dangers émergent, et rien n’est fait :

Les vagues de chaleur s’intensifient.
Mais les ouvriers, les vignerons, les cantonniers, les éboueurs… continuent de bosser sous 40°.
Il y a des protocoles pour protéger les vignes, pas pour les travailleurs.

Le travail de nuit explose dans les entrepôts, les hôpitaux, la logistique.
Mais la fatigue, les troubles du sommeil, les effets cardiovasculaires ?
Tout le monde s’en fout, tant que l’entreprise reste “compétitive”.

C’est simple : la santé au travail n’est plus une priorité.
On compense les accidents par des primes. On remplace les morts par des CDD.
Bienvenue dans le capitalisme 4.0.

Pourtant, la loi est claire : protéger les travailleurs, c’est une obligation

L’article L4121-1 du Code du travail est sans ambiguïté :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »

Pas “s’il a le temps”.
Pas “si c’est rentable”.
C’est une obligation légale.

Mais comme souvent dans ce pays, ce qu’on appelle “responsabilité” pour les puissants n’est qu’un mot creux.
La prévention ne doit pas être un budget variable.
C’est un droit. C’est une ligne rouge. Et elle est franchie chaque jour.

Pour une ville du travail digne, pas du stress permanent

Il est temps que les collectivités elles-mêmes montrent l’exemple.

Villefranche ne peut pas changer seule les lois.
Mais elle peut agir pour que travailler pour la ville ne soit pas synonyme d’usure, d’épuisement ou de précarité.

Et c’est pourquoi, oui, je milite pour une vraie révolution du travail : la semaine de 4 jours à 32h.
Parce que moins d’heures, c’est moins de stress, moins de fatigue, moins d’accidents.
Parce que les agents municipaux méritent aussi de vivre, pas seulement de “servir”.
Parce qu’on ne peut pas prôner le progrès… et organiser le travail comme en 1980.

Une mairie progressiste se doit d’être pionnière.
En matière d’emploi local, de santé au travail, de rythmes humains.

Travailler ne doit jamais tuer. Et le silence n’est plus acceptable.

On ne peut plus lire un fait divers sur un mort au travail, s’indigner, et tourner la page.
Chaque mort au travail est une défaite collective.
Et chaque vie préservée est une victoire possible.

Alors parlons-en.
Organisons-nous.
Et exigeons qu’à Villefranche, comme ailleurs, la vie vaille plus que le profit.

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