On sent que ça frétille du côté de la mairie. Depuis quelques semaines, le compte Facebook de Thomas Ravier tourne à plein régime : c’est pas un agenda municipal, c’est une application de séduction électorale.
Il y a de la messe, du clocher, des souvenirs pontificaux, des clins d’œil appuyés au catholicisme traditionnel — un peu plus et on le retrouvait en aube pour bénir les nouveaux abris bus privatisés. À ce stade, on s’attend presque à ce qu’il lance une application de prières municipales avec bénédiction intégrée et un cierge estampillé “Votez Ravier”. Un grand silence, par contre, du côté de l’Aïd ou de Pessa’h — mais ça, c’est pas dans la cible.
Le message est clair : “Chers électeurs du dimanche matin, je vous aime, je vous vois, je suis là pour vous. Votez bien, votez blanc — mais pas trop blanc quand même.” On fait les yeux doux aux fidèles, on soigne l’image pieuse, on déroule le tapis rouge aux intégristes et aux notables locaux, et pendant ce temps… on oublie soigneusement tous les autres.
Et puis il y a eu le post de trop. Le coup de pinceau final sur cette fresque de tartuferie électorale. Le maire s’est mis en scène en visite dans un centre technique municipal, charlotte bleue et casque blanc vissée sur le crâne, sourire en coin, pour nous chanter les louanges des agents de la ville.
« Des métiers variés, des compétences, de la polyvalence, des agents motivés au service de la Ville », nous dit-il, l’œil humide, comme s’il venait de découvrir l’existence du travail.
Mais voilà : quand on connaît la réalité des services municipaux, ce petit shooting promo a de quoi donner la nausée.
Parce qu’un maire qui respecte ses agents, c’est pas celui qui leur file 17 € d’augmentation quand ils en demandent 100, comme leurs collègues de la communauté d’agglo. Ce n’est pas celui qui laisse un quart des effectifs partir en grève, excédés par l’absence de reconnaissance. Ce n’est pas celui qui laisse le régime indemnitaire bloqué pendant tout un mandat, comme si le coût de la vie était une invention marxiste.
Un maire qui respecte ses agents, ce n’est pas celui qui se pointe un an avant les élections avec un appareil photo et une charlotte, pour leur faire un petit post de remerciement aussi sincère qu’un chocolat d’hôtel deux étoiles. Les travailleurs·es ne veulent pas être flattés à l’approche des urnes. Ils veulent du concret. Un salaire. Des conditions dignes. Du respect. Pas une tape dans le dos pixelisée.
Et on pourrait presque rire, si ce n’était pas aussi triste. Car ce n’est pas juste un écart de communication, c’est une stratégie bien huilée : s’adresser aux bons publics, cocher les bonnes cases, flatter les bonnes valeurs. Et tant pis si les agents municipaux, les oubliés du pouvoir local, continuent à porter la ville à bout de bras avec des paies à peine au-dessus du SMIC.
Alors, non, monsieur Ravier, votre charlotte bleue ne nous fera pas oublier le rouge de la colère.
Pas plus que vos pèlerinages électoraux ne masqueront votre indifférence quotidienne. On voit bien à quoi sert cette agitation printanière : repeindre la réalité en rose pâle avant de réclamer un bulletin dans l’urne.
Mais ici, dans cette ville que vous administrez comme un château à défendre, il y a des gens. Des gens qui bossent. Qui se lèvent tôt. Qui assurent les services publics pendant que vous peaufinez votre lumière dorée sur vos posts Facebook. Des gens qui n’ont pas besoin d’être pris en photo, mais d’être payés.
L’image, c’est bien.
Le salaire, c’est mieux.
Vos agents ne sont pas des figurants dans votre campagne, mais les piliers invisibles de cette ville. Respectez-les en actes, pas en selfie.
Vous voulez des voix ? Commencez par leur rendre la leur.